03 septembre 2010

Ségolène Royal a-t-elle ses chances pour 2012 ?

Ségolène Royal a choisi de rentrer dans le rang. Dans l’union des socialistes plutôt que dans la division. Malgré tous les reproches qu’on peut lui faire, la présidente de la région Poitou Charente, réélue à 61% dans sa région aux dernières élections, a fait là un choix raisonné et raisonnable, digne en tout cas, car selon elle, la gauche, au delà de sa propre personne, se doit de gagner les élections présidentielles de 2012 et sortir de l’ornière Sarkozy.

Malek Boutih, non sans raison, a souligné ces jours ci qu’elle aurait dû, suite à l’élection frauduleuse de Martine Aubry au congrès de Reims, marqué son indépendance vis à vis du Parti socialiste. Beaucoup de militants de Désirs d’avenir attendaient cela et pourtant force est de constater qu’ils ont décidé de rester soutenir l’ancienne candidate à la présidentielle. Sans doute parce que Ségolène Royal n’a jamais voulu, elle qui est socialiste depuis plus de trente ans, renoncé a quitter sa famille politique. Si l’appareil ne l’aime pas, il en va autrement des militants...Vu sous cet angle, a t-elle une chance de gagner les primaires de 2012 ?

C’est là sans doute sa plus grande chance : les militants...Personne n’y songe et l’intelligensia parisienne préfère s’en référer à d’improbables sondages - une question au passage : est ce que l’un d’entre vous, chers lecteurs, a été une seule fois sollicité par ces sondages ? moi et mon entourage : JAMAIS - Aucun sondage, dirigé pour la plupart par une certaine élite, ne semble objectif...

Prenons Dominique Strauss-Kahn...Quel Français moyen peut croire que cet homme, au delà de sa compétence, peut parvenir à réunir toute la gauche ? Ségolène Royal l’a intelligemment souligné : Il ne suffit pas d’avoir les compétences. Encore faut-il passer le cap d’une campagne. C’est à dire partir à la rencontre des Français. C’est la grande vertu qu’on a oublié de dire sur Ségolène Royal après le déluge de reproches qui lui ont été faits. Après l’échec de 2002, personne n’a songé, avec la démocratie participative, à lui faire l’éloge au moins d’une grâce : celle d’avoir fait amende honorable auprès des Français. prendre le temps de les écouter. Recréer le lien. Stupide ? Je ne crois pas. Quand le candidat PS se fait battre au premier tour par l’extrême droite, la moindre des choses était de redonner la parole aux Français. Et aujourd’hui, plus que jamais, cela semble d’actualité. La démocratie participative, tant critiquée, fait pourtant écho à cette carence dans la typologie de DSK. Compétent, certes, mais si loin de la France. Le monsieur du FMI qui a infligé un plan drastique à la Grèce - critiqué durement par Cohn Bendit. Le budget militaire grec serait odieusement élevé, sous prétexte d’une attaque éventuelle de la turquie sur Chypre, alors que les turcs ne demandent qu’à rentrer dans l’union européenne...Mais la France vend des armes à la Grèce, d’où son silence-, l’impopularité du FMI sur les peuples en général et l’éloignement de DSK du territoire "France" ne sont surement pas des atouts. DSK doit s’en douter, d’ailleurs. Beaucoup de sources évoquent également une certaine fascination de "MR FMI" sur les milieux d’argent...Aucun doute que si cela peut plaire à l’électorat de droite, celui de gauche, - en l’occurrence, celui qui se déplacera pour les primaires- sera bien plus difficile à convaincre... surtout en temps de crise et de bouclier fiscal !

Ajoutons à cela que DSK que l’on ressort comme le vainqueur des primaires selon les sondages s’est fait battre à pleine couture, dès le premier tour, par Ségolène Royal en 2006 à 60% contre 20%....

Rien n’est joué, donc...

Martine Aubry, souffre, elle, d’une image d’apparatchik. Largement renforcée par sa victoire frauduleuse au congrès de Reims. Toutes les victoires qu’elle a remportées récemment, elle les a menées sur les idées de Ségolène Royal : Non cumul des mandats, rénovation du parti, organisations des primaires...Elle surfe sur la victoire des régionales pour laquelle elle n’est pour rien...Dernier exemple flagrant sur la sécurité...Tous les chiffres - significatifs de l’échec de Sarkozy d’ailleurs, en charge de la sécurité depuis 2002- montrent que ce thème ne peut être évité aujourd’hui. Que ca plaise ou non. Qu’on soit de gauche ou de droite. Ségolène Royal s’est fait lyncher en 2006 quand elle a osé parler d’encadrement militaire pour les délinquants en 2006. Elle réitère ses propositions aujourd’hui et si Martine Aubry n’ose pas les reprendre, elle n’en pense pas moins...

Les Français ne sont pas dupes.

Prenons encore l’exemple de la réforme des retraites. Une loi, depuis 2 ans, permet ce qu’on appelle le référendum d’initiative populaire...Ségolène royal le martèle depuis des mois. Si 10% des votants inscrits sur les listes électorales et 20% du parlement pétitionnent, le gouvernement est OBLIGE de soumettre à référendum la réforme des retraites. A part Mélenchon, tout le monde à gauche le sait et personne ne le dit. A part Ségolène Royal qui a eu le mérite de le marteler pendant des mois...Si le PS est contre cette réforme, pourquoi n’organise t-il pas cette mobilisation citoyenne, par le moyen de la pétition - et avec les moyens qu’il a - comme Ségolène Royal le fait via "Désirs d’avenir’ ?

Cette dernière tant sur l’ordre juste, que sur la retour à une certaine morale publique, à un rafraîchissement de la vie démocratique, rabâche ses thèmes qui, jour après jour, se vérifient de plus en plus dans l’opinion publique...

Les primaires ne sont jouées, non...loin de là....Et Ségolène Royal, avec ses intuitions - la taxe carbone, par exemple- a encore un large tapis démocratique et populaire devant elle....

01 septembre 2010

Il s’est passé quelque chose à La Rochelle…

Cela fait six ans maintenant que le dernier week-end d’août me transporte sur les terres poitevines à l’occasion de l’université d’été du Parti socialiste. Mais cette année, oui, il s’est passé quelque chose autour de Ségolène Royal.

Vendredi, 14h. La salle plénière de l’espace Encan est pleine à craquer. Ségolène Royal arrive aux côtés de la première secrétaire, sous un tonnerre d’applaudissements. Image symbolique certes mais qui réchauffe les cœurs de bien des militants lassés par les divisions et les querelles interminables. Ségolène, à Reims, préconisait que le PS soigne ses cicatrices, que ses dirigeants se reparlent, se respectent à nouveau et cessent de s’étriper. Sans rien oublier du passé mais avec l’obsession d'un avenir qu’il faudra construire ensemble, elle passe des mots aux actes.

Royal prend la parole et analyse d’abord la victoire, sa victoire, aux régionales de mars 2010. Elle soulève la salle en évoquant l’entrée de la Région dans le capital des entreprises, le conditionnement des aides publiques à l’interdiction de délocaliser et de licencier pour les entreprises enregistrant des bénéfices, le soutien à la création d'une centaine de sociétés coopératives de production qui permettent à des ouvriers de sauver leurs emplois et leur outil de travail, la mutation écologique de la région. En somme, tout ce que le PS écrit dans ses textes de congrès et ses tracts depuis plus de dix ans a été fait, et bien fait, dans la région Poitou-Charentes. La politique par la preuve, encore, toujours, plus que jamais.

Elle continue, évoquant la crise agricole et plus particulièrement la crise des producteurs de lait, abandonnés par le pouvoir. Sarkozy, roi des promesses non tenues, est invité à arrêter son cirque. « Ca suffit » lui dit-elle. « Ca suffit » reprend en écho une salle enflammée. Autour de moi, des visages connus, des amis, proches de Martine, de Bertrand, de Dominique ou de Laurent se rapprochent, me font signe, m'envoient des messages et expriment leur surprise face à un discours qu’ils n’attendaient pas si offensif. Mais elle ne s’arrête pas là et sait que les militants venus l’écouter l’attendent sur le terrain de la sécurité. Fidèle à sa ligne, car la constance, disait François Mitterrand, « est la seule arme qui donne la crédibilité à ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions », elle insiste sur l’exigence d’instaurer un ordre juste et une sécurité durable. Comment la gauche, voix des sans voix, porte-parole des plus démunis et des plus faibles peut faire l’impasse sur cette question alors que les premières victimes de l’insécurité sont justement les plus précaires ? A-t-on déjà vu une voiture brûlée dans le 16ème arrondissement de Paris ? Jamais. A-t-on déjà vu une école maternelle vandalisée à Neuilly ? Jamais ! A-t-on déjà vu des bus caillassés à Nice, Deauville ou Saint-Tropez ? Jamais ! C’est toujours là où vivent les plus démunis que la violence triomphe, la puissance publique, impuissante, les abandonnant dans un face à face désespérant avec les délinquants et les trafiquants. Armer la police, lui donner des moyens et l’alléger du culte du chiffre –invitation à la bavure-, renforcer la justice, trouver des alternatives à la prison qui en l’état actuel des choses transforme des chats en tigres, aider les parents et notamment les mères isolées et surtout, surtout, faire de l’éducation la priorité des priorités. La salle hésite sur l’encadrement militaire des jeunes mais le temps des broncas et des huées interminables dès que Ségolène parlait d’ordre semble révolu. Evolution des mentalités ? Peut-être ! Arrive la fin. L’appel à l’unité. L’unité ne veut pas dire la dissolution de nos différences, la soumission à l’homme ou à la femme providentiel. Ségolène, l'air grave, lance : « Unis nous sommes, unis, nous demeurerons, nous resterons unis quoi qu’il arrive, face aux obstacles, unis face aux coups, nous resterons unis en dépit de toutes les tentatives pour nous diviser, en dépit de tous les jeux pour nous opposer, rien ne doit menacer notre unité, rien ne doit nous séparer et c’est unis que nous donnerons à la France l’espérance et le respect qu’elle mérite, oui, c’est unis que nous gagnerons ». La salle est debout. Martine Aubry, Bertrand Delanoë et François Hollande aussi. Quelque chose vient de se passer…

Vendredi, 20h30. Le bateau « France 1 » est plein. Ségolène a donné rendez-vous à ses ami(e)s pour un pot de l’amitié. Tout juste sortie de son direct sur France 2, elle arrive sous une acclamation. Le moment, bien moins solennel que la séance d’ouverture, est fraternel et chaleureux, marque de fabrique de Désirs d’Avenir. Elle prend le temps de discuter, poser devant les appareils, afficher sa sérénité, sa joie de se retrouver au milieu des siens. Un journaliste du Monde qui m’interroge me glisse en partant « j’ai le sentiment que quelque chose se passe ces derniers temps autour de Royal... »

Samedi, 15h. Ségolène arrive sur l’esplanade de l’espace Encan. Aucune intervention n’est prévue. Elle est simplement là pour discuter avec les militants. Prenant le temps de faire le tour des stands, elle se retrouve parfois dans des situations cocasses comme lorsqu’elle entre sous le chapiteau de Démocratie et Socialisme, la sensibilité de…Gérard Filoche. Là encore, nombreux sont ceux qui m’approchent pour me faire part de leur surprise. Ségolène joue contre le parti ? La voilà au milieu des militants, présente à La Rochelle du discours d’ouverture à celui de clôture. Ses positions sur la sécurité étaient contraires à la ligne du PS ? Voilà le PS qui s’aligne sur elle. On la disait isolée, abandonnée, lâchée par tous ? La voilà plus entourée que jamais, tant les militants sur son passage s’enthousiasment à l’idée de la voir. Quelle est donc cette femme, qui malgré les coups les plus pernicieux, malgré les injures et les intimidations les plus odieuses, malgré la calomnie, reste encore et toujours debout, vient-on me demander. D’où puise-t-elle cette force qui la fait se relever quand elle parait à terre ? Discutant avec Catherine Quéré, députée de Charente-Maritime puis avec Sophie Bouchet-Petersen, à l’écart de l’agitation d’Encan, nous sentons qu’en effet quelque chose se passe à La Rochelle…

Samedi, 20H. C’est dans un restaurant proche du port que Philippe Moine, élu parisien, fidèle de Ségolène, a donné rendez-vous aux militants de l’Espoir à Gauche. Dominique Bertinotti et Jean-Louis Bianco accueillent les participants. L’ambiance est là encore fraternelle, les militants heureux d’être réunis et la salle bondée. Les derniers arrivés sont même contraints de suivre les débats dans les escaliers. Dominique, Philippe et Jean-Louis prennent le temps d’échanger avec les militants. Il faut rassurer, expliquer, tracer les perspectives. Déboussolés par l’épisode de Dijon qui avait vu l’explosion du courant, beaucoup sont en attente d’informations. L’échange est animé, passionnant et tout le monde prend conscience de l’immensité du travail qu’il reste à accomplir, notamment à l’approche des primaires.

Dimanche, 16h. Dans la voiture-bar du TGV qui fonce vers Paris, nous buvons un dernier verre avec Dominique Bertinotti et Philippe Moine. Nous tirons le bilan de cette université d'été et commentons le discours prononcé par Martine Aubry le matin même. Comme souvent lorsque des socialistes se retrouvent, nous imaginons les divers scénarios possibles pour 2012. Sera-t-elle candidate ? Je n'en sais rien. La décision lui appartient. Il faudra respecter son choix, qui n’est pas simple. Nous savons le sacrifice qu’exige une campagne. Le don de soi, l’engagement sans limites, les coups qui redoublent, la famille qu’il faut préserver, les susceptibilités qu’il faut soigner. Mais quoi qu’il arrive, nous quittons La Rochelle avec la ferme conviction que quelque chose s’est passé.

Non, mieux : que quelque chose s’est levé…qui ne s’arrêtera pas. Ca vous rappelle quelque chose ?

Amine EL KHATMI
Secrétaire fédéral du PS Allier