26 février 2008

Royal se pose en leader

On s'en doutait, mais depuis le début du mois de janvier, c'est désormais clair : Ségolène Royal a toujours l'objectif d'être la candidate du Parti socialiste à la prochaine élection présidentielle.
Hier, dans sa réaction aux débordements verbaux de Nicolas Sarkozy, elle est restée très mesurée, appelant chacun à conserver sa sérénité et son sang-froid. Une façon de répondre de haut à l'ancien candidat qui l'avait accusée de « perdre ses nerfs » dans leur débat télévisé.
1. Conquérir l'opinion : Pour y parvenir, elle a entrepris de mener en amont une campagne de fond, comme son ancien concurrent. Sa stratégie est restée la même pour s'imposer au Parti socialiste : conquérir d'abord l'opinion, catégorie sociale par catégorie sociale, secteur par secteur, ville par ville, pour apparaître ensuite comme LA candidate. Ayant renoncé à toute campagne municipale pour elle-même, elle est donc entièrement disponible. Hier encore, elle en était aux travaux pratiques, avec l'agriculture au Salon, puis à Périgueux. Le pivot de son équipe, Vincent Peillon, le dit ouvertement : « Il faut d'abord travailler des propositions pour la France, pour l'Europe, et ensuite les soumettre aux socialistes ». Bien sûr, si elle était élue cette année première secrétaire du PS pour succéder à François Hollande, cela lui faciliterait les choses, pense François Peillon : « Le fait que le candidat soit le leader de son parti a plutôt servi Mitterrand, Chirac et Sarkozy. » C'est ainsi qu'elle a choisi la campagne des municipales pour se manifester, prenant quelques longueurs d'avance sur ses éventuels rivaux, comme Bertrand Delanoë, qui doivent ferrailler d'abord pour leur élection ou réélection. D'autres se sont déjà déclarés, comme Pierre Moscovici ou Julien Dray, porte-parole du PS.
2. Une équipe en dehors du PS : Ne négligeant rien, elle a déjà mis en place une équipe extérieure au Parti socialiste, avec un nouveau directeur de cabinet, Cyril Piquemal, énarque de 28 ans, et une attachée de presse, Dominique Bouissou, qui l'a accompagnée pendant la campagne présidentielle. La Région Poitou-Charentes continue de servir de base arrière avec Sophie Bouchet-Petersen, plume de ses discours et conseillère politique. Elle y côtoie une nouvelle recrue, Philippe Guibert, politologue et spécialiste des médias, qui a déjà travaillé pour des régions amies et a publié en janvier un ouvrage faisant l'analyse de la campagne 2007 telle qu'elle est apparue aux téléspectateurs. Un livre pointant les erreurs qu'elle a commises face à Nicolas Sarkozy.
3. Des experts à son service : Tous les mardis matin, une réunion rassemble des proches et des parlementaires comme Jean-Louis Bianco, Aurélie Filipetti, Delphine Batho ou David Assouline. D'autres, comme Manuel Valls et Gaëtan Gorce, prodiguent aussi leurs conseils. Le député européen Gilles Savary, en campagne électorale à Talence (Gironde), lui envoie régulièrement des notes sur Bruxelles. Un groupe d'experts conduit par Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard, que Vincent Peillon décrit comme « nobélisable », rassemble Thomas Piketty, Mathieu Pigasse et la sociologue Dominique Méda.
4. Désirs d'avenir, une locomotive toujours très active : Elle n'a pas oublié, bien sûr, de maintenir le réseau Désirs d'avenir en état de répondre à la moindre sollicitation. C'est ce réseau, d'ailleurs, qui est bien utile aujourd'hui pour mobiliser les troupes sur ses déplacements « municipaux ». Présidé par un proche, l'avocat Jean-Pierre Mignard, il est toujours animé par le site Web qui avait été si actif pendant la campagne présidentielle. Pour l'instant, elle termine son tour de France, à la demande des candidats PS aux municipales qui lui demandent son soutien, comme le dit Vincent Peillon, « parce que c'est la personnalité la plus populaire à gauche » et parce qu'elle attire « une mobilisation populaire extrêmement forte, et qu'elle a cette force de ramener à l'espérance politique toute une catégorie de gens que l'on avait perdus ».
Le succès qui s'annonce à gauche ne lui fera pas regretter de s'être lancée dans la campagne dès le 12 janvier, alors que tous les leaders du PS étaient pris par leur propre campagne.
Jean-Pierre Deroudille
Sud Ouest du 26 février 08