Ségolène Royal veut « être élue pour agir »
Après Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, Ségolène Royal explique à Ouest-France les raisons de sa candidature à l'investiture socialiste.
L'envie d'être présidente de la République vous est venue comment ?
En tout cas, je n'en rêvais pas quand j'étais petite. Cela résulte plutôt d'une suite d'événements, de situations, d'étapes... Mon élection comme présidente socialiste de la Région Poitou-Charentes, en 2004, a joué un rôle, c'est certain. Chez les gens surtout qui se sont alors projetés plus loin. Après, il y a une crédibilité qui vient s'installer. C'est l'opinion qui m'a imposée. Il y a aussi un phénomène de génération. Sans doute aussi le fait d'être une femme. Il y a encore la trace qu'on laisse comme ministre, comme parlementaire... Finalement, tout compte.
Comment expliquez-vous votre popularité ?
Je crois que j'incarne le changement. Une autre façon de faire de la politique. Les gens apprécient ma liberté de parole. Ils sentent aussi que je ne suis pas dans le même rapport au pouvoir que beaucoup d'hommes politiques. Je ne suis pas candidate à une place. Je souhaite être élue pour agir, améliorer la vie concrète des gens.
Vous avez critiqué l'application des 35 heures, préconisé l'encadrement militaire des délinquants, appelé à la création de jurys citoyens... Vous aimez les idées iconoclastes ?
La crise démocratique est là, profonde. Je cherche la façon de la résorber. Mais, c'est inévitable, les idées neuves dérangent. Elles enflamment les esprits. Comme on ne me donne pas beaucoup de temps pour les expliquer, cela fait parfois problème. Mais, avec un peu de pédagogie, on arrive à montrer tout leur intérêt.
C'est ce qui donne l'impression qu'après avoir fait sensation vous revenez en arrière ?
Mais je ne reviens pas en arrière. Par exemple, quand j'évoque les jurys citoyens, je sais de quoi je parle. Mes adversaires en font aussitôt des jurys de cour d'assises ! Ça n'a pas de sens. Alors, il faut une phase d'explications, et on comprend alors mieux ce que j'ai dit. Pareil pour l'encadrement militaire des délinquants. J'ai toujours bien précisé « pour des tâches humanitaires » qui revalorisent. Je maintiens l'idée d'encadrement militaire. Ce sont des condamnés ! On ne va tout de même pas les mettre en colonie de vacances ! Et puis, ces propositions ne tombent pas comme cela d'un chapeau. Elles font partie d'un projet global, cohérent, dans lequel la prévention a aussi toute sa place.
Vous répétez que les citoyens sont les meilleurs experts de leur propre vie. Mais en tant qu'élue, n'êtes-vous pas plus expérimentée qu'un citoyen lambda pour évaluer une situation ?
Ce n'est pas antinomique. La responsabilité politique, c'est de prendre des décisions. Mais une fois celles-ci prises, qui est le mieux placé pour juger de leur efficacité ? Trop de Français ont le sentiment de ne compter pour rien, d'avoir des problèmes qui ne sont jamais pris en compte par les politiques. On a tout à gagner à les écouter.
Le peuple aurait toujours raison ?
Le peuple n'a pas toujours raison, quand il a voté, sa décision est celle de tous.
On vous reproche de prendre certaines de vos idées à droite...
Les problèmes ne sont ni de droite ni de gauche, mais les solutions le sont. Moi, j'apporte des solutions de gauche. Il n'y a aucune ambiguïté là-dessus. Je mets toujours le progrès de la personne au centre de la décision.
Que préconisez-vous pour les banlieues ?
L'emploi, la sécurité, l'école sont les leviers sur lesquels il faut agir. Mais, là encore, il faut donner aux élus locaux les moyens de mieux cibler les actions. L'État doit donner le cap, dégager des moyens et assurer l'égalité de leur répartition. Il faut faire fonctionner la République, et notamment les services publics, partout. C'est ce que j'appelle l'ordre juste.
Aurez-vous les moyens financiers de mettre en oeuvre le projet socialiste ?
Entre les déficits publics, ceux des comptes sociaux, celui du commerce extérieur, la situation n'est pas brillante, c'est vrai. Mais la croissance ne demande qu'à redémarrer. Il nous faudrait un État décidé à faire avancer ce qu'il y a de meilleur dans le pays. Le pilotage économique est trop bureaucratique. Un pays qui se remet en mouvement reprend confiance en lui. Il enclenche une dynamique et crée des synergies avec les entreprises, les régions... Tout cela nous manque cruellement aujourd'hui.
Dans une économie ouverte comme la nôtre, l'idéologie joue donc un rôle ?
La droite pense que le « tout-précaire » permet aux entreprises d'être compétitives. Je pense exactement le contraire. C'est en investissant dans les ressources humaines et la sécurisation des salariés qu'on est le plus efficace. L'entreprise gagne quand ses salariés voient leur avenir avec sérénité, car alors ils sont plus motivés.
Beaucoup de Français pensent que la droite et la gauche font la même politique. Sur quoi faut-il peser pour les amener à penser autrement ?
C'est la campagne électorale qui va le révéler. C'est à ce moment que se noue le contrat social avec les Français. Pour moi, l'éducation est la priorité absolue. C'est là que tout se joue. Il faut que le pays sente une mobilisation totale sur le sujet.
Certains de vos adversaires vous accusent d'être autoritaire, voire cassante...
Je ne pense pas être cassante, je suis exigeante. Peut-être y a-t-il aussi dans cette critique une dimension sexiste. Est-ce qu'on dirait cela d'un homme ? Ces qualificatifs ne me blessent pas. Le plus grave serait qu'on me reproche de ne rien faire. Cela, au moins, je ne l'entends jamais.
Que pensez-vous de Nicolas Sarkozy ?
Je ne le connais pas personnellement. Et ça ne m'intéresse pas de le juger au plan personnel. En revanche, au plan politique, je suis choquée de l'entendre répéter que tout ira mieux s'il est élu en 2007. Mais il est au pouvoir depuis bientôt cinq ans. Dire qu'on mettra en pratique demain ce qu'on ne fait pas aujourd'hui alimente la crise du politique. Quand on est au pouvoir, on agit.
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