15 avril 2007

Les Français ne regretteront pas leur audace

Ségolène Royal est confiante en cette fin de campagne. "Le temps des femmes est venu pour remettre debout la maison France", affirme-t-elle. Elle répond à Rocard qui propose une alliance avec François Bayrou. Mais se refuse à dire qui pourrait faire partie du gouvernement qu'elle constituerait si elle était élue.

Comment jugez-vous cette fin de campagne ?
Passionnante. J'avance sereinement et fermement sur ma route pour convaincre les électeurs car je suis avec eux, habitée d'un sentiment de gravité face à l'importance du choix, et portée par un immense espoir pour mon pays. Je fais tout pour qu'à la face du monde, la France fasse le choix de l'avenir meilleur, pour la France présidente et pour la femme qui l'incarne.

Que pensez-vous de l'appel de Michel Rocard ?
Il a le mérite de la constance. Depuis des années il veut faire venir le centre par des alliances de personnes vers les socialistes. Je crois, moi, à la force des idées qui entraînent et font se lever les espoirs populaires que je vois dans toute la France. J'espère que je suis au bout de mes surprises, car point trop n'en faut! Aujourd'hui, mon choix c'est d'aller à l'essentiel: faire entendre à l'ensemble des électeurs les valeurs pour que la France se relève, afin qu'ils aient un vrai choix pour permettre à notre pays de reprendre la main. En particulier choisir le changement sans brutalité et vouloir une France où les valeurs humaines doivent l'emporter sur les valeurs boursières.

Quels sujets aimeriez-vous imposer dans cette dernière ligne droite ?
Il me semble qu'aujourd'hui les Français ont bien saisi les personnalités des candidats et peuvent se faire une idée précise de la manière dont ils exerceraient le pouvoir... Quant au clivage entre mon projet et celui de la droite, il est clair. D'un côté, une société dans laquelle les Français seraient dressés les uns contre les autres, où règnerait le "chacun pour soi", une société du déterminisme, de la violence et de l'autoritarisme. De l'autre, une France apaisée, qui se rassemble autour de valeurs communes "travail, solidarité, esprit d'initiative", une France du plein-emploi qui reprend confiance en sa jeunesse et qui garantit aux personnes âgées les sécurités auxquelles elles ont droit, qui croit à nouveau en sa capacité à produire de la richesse et à la redistribuer de manière équitable, une France, enfin, dont les dirigeants sont à l'écoute du peuple et non au service de groupes de pression.

"Le pacte présidentiel est le contraire de l'improvisation"

Certains regrettent que vous ayez peu porté les sujets de gauche tels que le social, l'emploi, etc.
Je n'ai fait que cela depuis des mois, sans écarter les autres sujets comme l'Europe, l'international et la défense! Le chômage, les délocalisations, la précarité, la vie chère, le logement et la sauvegarde de notre protection sociale sont au coeur des préoccupations des Français. J'ai pris ces problèmes à bras-le-corps en inscrivant dans le pacte présidentiel des propositions qui, seules, peuvent les régler : droit au premier emploi des jeunes et lutte contre le chômage des seniors, contrat première chance, augmentation du Smic et des bas salaires, révision de l'indice des prix, construction de logements sociaux avec substitution de l'Etat aux communes qui les refusent, prise en compte de la pénibilité des métiers dans le calcul des durées de cotisation de retraite... Bien sûr, les candidats sortants n'ont pas intérêt à ce que la campagne se déroule sur ce terrain, car ils devraient rendre des comptes sur leur action.

Vous avez dit que votre façon de mener campagne serait une illustration de votre façon de présider, or on vous reproche une certaine improvisation...
Le pacte présidentiel est le fruit d'une longue maturation : ce projet est tout le contraire de l'improvisation. Je suis la seule à avoir conduit une campagne participative, avec 6000 réunions. Ce projet a d'ailleurs été salué par une nouvelle génération d'économistes, par de nombreux chercheurs chevronnés, des appels venant de tous les milieux intellectuels. Et je compte bien présider demain en conservant ce lien précieux avec les citoyens, et ne pas recommencer les erreurs de ces dirigeants sûrs d'eux, qui ont conduit à tant de conflits et de gaspillages.

Si vous êtes au second tour, vers qui vous tournerez-vous et sur quelles bases pour d'éventuelles alliances ?
L'élection présidentielle n'est pas une combinaison d'alliances entre des candidats ou des formations politiques. C'est un lien qui se tisse entre une personne et le peuple français. Ce qui me touche, c'est la grande exigence des électeurs, qui s'intéressent au débat, comparent les projets et ne veulent pas se laisser dicter leur choix. Ils ont raison de réfléchir. Au soir du premier tour, nul ne sera propriétaire de ses électeurs et ne pourra en disposer à sa guise. Et c'est avec toutes celles et tous ceux qui se reconnaitront dans la France présidente que se relèvera le pays.

"François Bayrou est une personnalité respectable"

Que répondez-vous à ceux qui disent que, pour faire perdre Sarkozy, mieux vaut voter Bayrou au premier tour ?
Souhaiter la défaite de Nicolas Sarkozy, ce n'est pas souhaiter la défaite d'un homme. C'est vouloir mettre un terme à la politique suivie depuis cinq ans et empêcher une droite encore plus dure de continuer les dégâts. Comment pourrait-on y parvenir en votant pour le président d'une formation politique, l'UDF, qui fait partie de la majorité, est présente au gouvernement et vote dans toutes les collectivités territoriales avec l'UMP, sans exception? François Bayrou est une personnalité respectable, mais il n'a ni programme ni équipe. Des millions de Français se sentiraient floués si le second tour les privait d'un véritable choix. Ma vision pour la France, c'est de réconcilier la solidarité, la responsabilité individuelle et l'efficacité économique, en remplaçant la loi du plus fort par la loi du plus juste. Je suis prête.

N'auriez-vous pas intérêt à annoncer que vous nommerez Dominique Strauss-Kahn si vous étiez élue ?
Le Parti socialiste ne manque pas de personnalités de talent et je vous dirai le moment venu qui je choisirai. Le gouvernement sera représentatif de la diversité de la majorité présidentielle qui se rassemblera autour de moi entre les deux tours.

Quelle serait votre équipe gouvernementale idéale ?
Je veux réduire le train de vie de l'Etat et tirer les conséquences au niveau national du renforcement des compétences au niveau local: mon gouvernement sera donc resserré. J'ai dit qu'un euro dépensé serait un euro utile. Réformer l'Etat, c'est avant tout répartir plus clairement les niveaux de compétences pour éviter les gaspillages. Quant au choix des ministres, c'est le critère de la compétence et de l'efficacité qui sera déterminant. Aucun ne sera logé aux frais de la République.

Si, d'aventure, vous deviez perdre la présidentielle, comment voyez-vous l'après-élection ?
Je crois que je vais la gagner. Le temps des femmes est venu pour remettre debout la maison France sur ses bonnes bases - famille, éducation, emploi, écologie - et pour construire l'ordre juste à la place des désordres injustes. Ce que je ressens profondément, c'est que les Français ne regretteront pas leur audace. Nous serons surpris de l'événement planétaire que constituera, au-delà de ma personne, l'élection d'une femme politique d'expérience à la présidence de la République française et de l'élan qui en résultera.