Quand Ségolène Royal m'emballe...
Par gino-hoel du JDD
Moi qui ai longtemps été un sympathisant jospiniste, voilà que je vire ségoléniste ! Longtemps, j'ai défendu l'ancien Premier ministre, statut du Commandeur au PS, sa politique, et même son retrait de 2002. Cette semaine encore, un ami me le reprochait. Mais en une semaine, la vie politique réserve des surprises !
L'entrée en scène de Bertrand Delanoë avec la bénédiction de Lionel Jospin, je dois l'avouer, ne m'a pas fait sauter de joie. La lecture de ses bonnes feuilles, les déclarations qu'il a pu faire ici ou là, ne m'ont guère convaincu. Par contre, étrangement, Ségolène Royal m'a plutôt "emballé". Ce midi encore, chez Laurence Ferrari (sur Canal+), elle était épatante. Et juste dans ses propos.
Il faut dire que -comme devraient l'être les socialistes : c'est une constante- je suis légitimiste. Et je pense que Ségolène Royal est encore aujourd'hui, la meilleure candidate pour les prochaines présidentielles ET pour diriger le PS. Et Dieu sait que sa désignation fin 2006 ne m'avait pourtant pas réjoui... Je l'ai souvent dit ici.Pourquoi ce revirement, donc ? Parce que Ségolène Royal -je l'ai écrit il y a quelques jours encore- a mené une campagne honorable en 2007 (n'en déplaise à Michel Rocard qui affirmait il y a peu que "n'importe quel candidat aurait fait 47 % des suffrages"). Parce qu'elle est le chef "naturel" de la gauche puisqu'elle l'a rassemblée (et même au-delà) l'an dernier. Parce que l'engouement populaire (quoi qu'en dise les sondages) est là et bien là.Ségolène Royal va se positionner en "anti"-Delanoë. Etre "socialiste ET libéral", c'est "incompatible" pour elle. Et elle a raison. Défendre les libertés, ce n'est pas être libéral : c'est être socialiste ! Le capitalisme ? On le voit aujourd'hui, c'est un vieux cadavre à la renverse. Même les démocrates américains se posent des questions. Je l'ai déjà écrit : Bertrand Delanoë et ses amis confondent libéral et libertaire à mon sens.
La présidente de la Région Poitou-Charentes a raison : le libéralisme a fait des dégâts dans notre société, dans nos familles, dans nos entreprises. On le voit aujourd'hui avec la hausse des prix : la concurrence n'est pas la solution, le marché ne se régule pas de lui-même. C'est une lune. Daniel Balavoine le disait justement : "Il y a eu Keynes, il y a eu Marx, il y aura d'autres philosophes!" Le monde bouge, le monde change. Se réclamer des philosophes des Lumières, c'est très bien. Mais y a-t-il encore des maréchalistes dans notre pays pour (ré-)instaurer une révolution nationale ? Soyons sérieux...Quant à la social-démocratie, qu'est-ce aujourd'hui ? Le PS français est en retard de quarante ans, s'il souhaite se diriger dans cette direction. La social-démocratie européenne se ramasse gamelle sur gamelle, au point que le Parti des socialistes européens (PSE) se gratte la tête avec force pour savoir ce qui ne fonctionne plus. Le centre-gauche est malade : le premier mot est devenu de trop.
Devant les difficultés actuelles, de plus en plus de partis de centre-gauche veulent (doivent) revenir vers la gauche. D'abord parce que la gauche du centre-gauche reprend vie. En Allemagne, Die Linke n'en finit pas de prospérer sur le SPD, par exemple. En France, Olivier Besancenot se frotte les mains en regardant sa cote de popularité...Dire que vouloir rassembler toute la gauche, des altermondialistes au centre-gauche, c'est nullissime (je caricature à peine les propos du maire de Paris), comme souhaite le faire Ségolène Royal, c'est ne pas comprendre, d'une part, le sens de l'histoire, d'autre part, les attentes actuelles de nos concitoyens. Et, n'est-ce pas la vocation d'un candidat de gauche de rassembler sur son nom toute la gauche et une partie du centre ? Qu'essaie-t-on de nous faire avaler, si ce n'est des couleuvres ?
Ségolène Royal, ce midi, a donc réaffirmé son appartenance à la famille socialiste et le besoin d'aller rechercher les couches ouvrières, populaires. En citant Jean Jaurès a trois reprises, elle a clairement indiqué qu'elle souhaitait prendre le PS par la gauche au prochain congrès. Elle a raison : il est important de, non seulement défendre les classes moyennes et les fonctionnaires, mais encore de reparler aux petits, aux sans-grades, aux "damnés de la terre", aux "forçats de la faim".
De plus en plus de nos concitoyens en viennent à faire les poubelles des marchés et supermarchés pour survivre : une "Nuit blanche" ne va pas les nourrir. La "politique-paillette", c'est bien quand le pays a le moral. Mais quand il commence de crever de faim, de voir son pouvoir d'achat diminuer, de se démoraliser, il est urgent de trouver des solutions.Bertrand Delanoë est enfermé dans sa capitale. L'Hôtel de Ville l'empêche de regarder la France entière et les problèmes des Français. C'est dommage, il est si talentueux, cet homme ! Qui lui conseille donc de s'exprimer comme il le fait ? Les socialistes qui vont le suivre pensent sans doute que la candidate est inepte. Qu'elle n'a aucun sens politique. Que c'est une Bécassine.
Ils se trompent : ils sont condescendants à son égard, et cela ne peut que l'aider. Ségolène Royal parle aux gens. On l'accuse de populisme quand elle veut s'occuper du peuple et lui rendre sa dignité, qu'elle lui donne la parole. Elle a repris son bâton de pèlerin, comme naguère François Mitterrand. Au reste, ce qui se trame au PS ressemble étrangement à ce qui s'est fait entre 1971 et 1981 : Michel Rocard (toujours) avait commencé de clouer le cercueil de François Mitterrand. Et il s'est cassé les dents. Et François Mitterrand remporta les élections de 1981.
Alors, on nous dit que le chef du Parti ne peut être le candidat à la présidence de la République. Longtemps, j'ai adhéré à cette vue de l'esprit. Je me disais : "Qu'est-ce qu'elle va prendre pendant quatre ans, Ségolène ! Elle sera lessivée en 2012!" Mais, c'est une fausse idée. Dans tous les pays qui nous entourent, le chef du parti vainqueur a vocation à exercer les responsabilités. C'est bien normal.Et qu'a fait l'actuel président de la République ? Rendons-lui cet hommage : il a pris l'UMP. Car il savait très bien que pour aller au combat suprême, il devait en passer par là et imposer, en partie, ses idées. Les grincheux n'ont pas moufté (ils commencent de se réveiller seulement maintenant) car pour gagner, il faut parfois mettre un mouchoir sur ses prétentions. Et ils ont participé à la campagne et le 6 mai au soir, même les plus grands ennemis de M. Sarkozy, dans son parti, débouchaient les bouteilles de roteux.
On entend çà et là que certains socialistes claqueraient la porte du PS si Ségolène Royal était élue Première secrétaire. Auront-ils cette "audace" ? Nous en reparlerons... Mais, l'assiette au beurre est tout de même alléchante et ils y réfléchiront à deux fois avant de faire quoi que ce soit... Et puis, pour aller où ? A l'UMP ? Au PRG ? Au MRC ? Au PC ? Chez les Verts ? Chez Olivier Besancenot ? Allons, allons ! Soyons sérieux (enfin, eux!)... On le voit aisément : Ségolène Royal devra ferrailler avec fermeté si elle veut prendre le PS. Il faudra qu'elle tape du point sur la table. C'est elle qui a suscité cette "ferveur" comme elle le disait pendant sa campagne. Cette "irrationnalité" dénoncée par Bertrand Delanoë prouve qu'il n'a rien compris au film : les gens, dans cette société en manque de repères, ont besoin d'un(e) président(e) de la République qui leur montre le chemin, lui ouvre la voie d'un nouvel avenir et lui rende une espérance.
Ce n'est pas un gros mot, l'espérance ! En tout cas, cela vaut bien le "libéralisme"...
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