20 février 2007

Ségolène Royal sur TF1 : quand la politique se fait pacificatrice

Après tant de bruit médiatique sur ses faiblesses, son absence de programme, son absence de chiffrage de programme... On était presque surpris de la voir réelle et de l’entendre parler en français.
Et pourtant c’est bien en Français qu’elle parlait. Et c’est bien une grande politique qui s’est exprimée.

Et d’abord dans l’attitude. Parce que la politique commence d’abord par là. Comparer les deux vidéos mises à disposition par TF1 est très éclairant. Nicolas Sarkozy : partie 1, partie 2 - Ségolène Royal : partie 1, partie 2.

L’attitude corporelle : Nicolas Sarkozy derrière son pupitre, Ségolène Royal devant, tournée vers les auditeurs, traversant la salle pour approcher - et serrer l’épaule - d’un interlocuteur en détresse. Pas besoin d’épiloguer, cette image sincère mais émouvante a déjà été découpée et mise en ligne sur le site de TF1. Elle fera le tour des rédactions demain.

Le parler : Un petit tic de Ségolène Royal : beaucoup de "vous avez raison", "c’est une bonne question". Un peu répétitif à la longue. Mais que dire alors des éternels "et moi je vous dis", "moi", "je" de Nicolas Sarkozy ?

Nicolas Sarkozy a accumulé les chiffres, à tel point qu’il a lui-même nourri la rumeur, fondée ou non, de l’oreillette. Il voulait montrer qu’il était au niveau, qu’il maîtrisait la situation. Ségolène Royal dans son effort de pédagogie, au contraire, a simplifié, précisé, détaillé, encouragé ses interlocuteurs.

Il faut dire qu’elle n’avait pas besoin de mettre en scène la sincérité de sa parole. le petit tract des 100 propositions trônait, bien en évidence, sur le pupitre auquel elle ne se raccrochait pas. Quand Ségolène Royal parlait de son "pacte", il était posé, là, derrière elle. Pas besoin de hausser le ton : les propositions, les arbitrages, les engagements étaient écrits.

Elle fut abordé plus directement - plus rudement parfois - que son concurrent, comme cette femme qui lui demanda si elle pensait "prête" et lui fournit l’occasion d’une réponse qui est l’un des plus beaux moments de cette campagne électorale (voir la fin de la première partie).

Et en même temps, elle eut l’occasion de mettre en évidence ("politique par la preuve") sa conviction affirmée que la politique se doit d’être "pacificatrice". Nicolas Sarkozy antagonise. il suffit de regarder les deux émissions pour s’en rendre compte. Il cherche à dominer quand Ségolène Royal cherche à convaincre. Il cherche à se poser, à s’opposer, quand Ségolène Royal défend un projet. Il cherche à séduire quand Ségolène Royal s’expose.

Et au bout d’un moment, insensiblement, la plupart des auditeurs sont entrés dans ce débat participatif. Les questions se sont faites plus sincères, plus personnelles, plus constructives... A l’exception notable d’un râleur ressemblant à s’y méprendre à un électeur d’extrême droite (tous menteurs, tous pourris, la faute aux immigrés), que Ségolène Royal essaya quand même d’entraîner dans un vrai dialogue, mais l’animal était rétif, les autres s’engagèrent.

Que restera-t-il de cette émission ? Demain, sans doute, la polémique sur les audimat commencera à la première heure. Il n’en demeurera pas moins que des millions de Français auront eu l’occasion d’entendre Ségolène Royal en direct, et non pas à travers les commentaires acerbes de l’UMP. Il n’en demeurera pas moins non plus que les militants socialistes, un peu décontenancés par cette nouvelle manière de faire de la politique (pensez donc, commencer par écouter !), auront pu voir leur programme en action, et en retireront un regain de confiance pour leurs prochains "tractages".

Hier soir, sur TF1, il y avait non seulement un projet là où les adversaires continuent à soupeser de subtils arbitrages catégoriels... Il y avait aussi une nette différenciation des offres dans la manière d’exercer le pouvoir.

Raphaël Anglade, Béta Politique