01 septembre 2010

Il s’est passé quelque chose à La Rochelle…

Cela fait six ans maintenant que le dernier week-end d’août me transporte sur les terres poitevines à l’occasion de l’université d’été du Parti socialiste. Mais cette année, oui, il s’est passé quelque chose autour de Ségolène Royal.

Vendredi, 14h. La salle plénière de l’espace Encan est pleine à craquer. Ségolène Royal arrive aux côtés de la première secrétaire, sous un tonnerre d’applaudissements. Image symbolique certes mais qui réchauffe les cœurs de bien des militants lassés par les divisions et les querelles interminables. Ségolène, à Reims, préconisait que le PS soigne ses cicatrices, que ses dirigeants se reparlent, se respectent à nouveau et cessent de s’étriper. Sans rien oublier du passé mais avec l’obsession d'un avenir qu’il faudra construire ensemble, elle passe des mots aux actes.

Royal prend la parole et analyse d’abord la victoire, sa victoire, aux régionales de mars 2010. Elle soulève la salle en évoquant l’entrée de la Région dans le capital des entreprises, le conditionnement des aides publiques à l’interdiction de délocaliser et de licencier pour les entreprises enregistrant des bénéfices, le soutien à la création d'une centaine de sociétés coopératives de production qui permettent à des ouvriers de sauver leurs emplois et leur outil de travail, la mutation écologique de la région. En somme, tout ce que le PS écrit dans ses textes de congrès et ses tracts depuis plus de dix ans a été fait, et bien fait, dans la région Poitou-Charentes. La politique par la preuve, encore, toujours, plus que jamais.

Elle continue, évoquant la crise agricole et plus particulièrement la crise des producteurs de lait, abandonnés par le pouvoir. Sarkozy, roi des promesses non tenues, est invité à arrêter son cirque. « Ca suffit » lui dit-elle. « Ca suffit » reprend en écho une salle enflammée. Autour de moi, des visages connus, des amis, proches de Martine, de Bertrand, de Dominique ou de Laurent se rapprochent, me font signe, m'envoient des messages et expriment leur surprise face à un discours qu’ils n’attendaient pas si offensif. Mais elle ne s’arrête pas là et sait que les militants venus l’écouter l’attendent sur le terrain de la sécurité. Fidèle à sa ligne, car la constance, disait François Mitterrand, « est la seule arme qui donne la crédibilité à ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions », elle insiste sur l’exigence d’instaurer un ordre juste et une sécurité durable. Comment la gauche, voix des sans voix, porte-parole des plus démunis et des plus faibles peut faire l’impasse sur cette question alors que les premières victimes de l’insécurité sont justement les plus précaires ? A-t-on déjà vu une voiture brûlée dans le 16ème arrondissement de Paris ? Jamais. A-t-on déjà vu une école maternelle vandalisée à Neuilly ? Jamais ! A-t-on déjà vu des bus caillassés à Nice, Deauville ou Saint-Tropez ? Jamais ! C’est toujours là où vivent les plus démunis que la violence triomphe, la puissance publique, impuissante, les abandonnant dans un face à face désespérant avec les délinquants et les trafiquants. Armer la police, lui donner des moyens et l’alléger du culte du chiffre –invitation à la bavure-, renforcer la justice, trouver des alternatives à la prison qui en l’état actuel des choses transforme des chats en tigres, aider les parents et notamment les mères isolées et surtout, surtout, faire de l’éducation la priorité des priorités. La salle hésite sur l’encadrement militaire des jeunes mais le temps des broncas et des huées interminables dès que Ségolène parlait d’ordre semble révolu. Evolution des mentalités ? Peut-être ! Arrive la fin. L’appel à l’unité. L’unité ne veut pas dire la dissolution de nos différences, la soumission à l’homme ou à la femme providentiel. Ségolène, l'air grave, lance : « Unis nous sommes, unis, nous demeurerons, nous resterons unis quoi qu’il arrive, face aux obstacles, unis face aux coups, nous resterons unis en dépit de toutes les tentatives pour nous diviser, en dépit de tous les jeux pour nous opposer, rien ne doit menacer notre unité, rien ne doit nous séparer et c’est unis que nous donnerons à la France l’espérance et le respect qu’elle mérite, oui, c’est unis que nous gagnerons ». La salle est debout. Martine Aubry, Bertrand Delanoë et François Hollande aussi. Quelque chose vient de se passer…

Vendredi, 20h30. Le bateau « France 1 » est plein. Ségolène a donné rendez-vous à ses ami(e)s pour un pot de l’amitié. Tout juste sortie de son direct sur France 2, elle arrive sous une acclamation. Le moment, bien moins solennel que la séance d’ouverture, est fraternel et chaleureux, marque de fabrique de Désirs d’Avenir. Elle prend le temps de discuter, poser devant les appareils, afficher sa sérénité, sa joie de se retrouver au milieu des siens. Un journaliste du Monde qui m’interroge me glisse en partant « j’ai le sentiment que quelque chose se passe ces derniers temps autour de Royal... »

Samedi, 15h. Ségolène arrive sur l’esplanade de l’espace Encan. Aucune intervention n’est prévue. Elle est simplement là pour discuter avec les militants. Prenant le temps de faire le tour des stands, elle se retrouve parfois dans des situations cocasses comme lorsqu’elle entre sous le chapiteau de Démocratie et Socialisme, la sensibilité de…Gérard Filoche. Là encore, nombreux sont ceux qui m’approchent pour me faire part de leur surprise. Ségolène joue contre le parti ? La voilà au milieu des militants, présente à La Rochelle du discours d’ouverture à celui de clôture. Ses positions sur la sécurité étaient contraires à la ligne du PS ? Voilà le PS qui s’aligne sur elle. On la disait isolée, abandonnée, lâchée par tous ? La voilà plus entourée que jamais, tant les militants sur son passage s’enthousiasment à l’idée de la voir. Quelle est donc cette femme, qui malgré les coups les plus pernicieux, malgré les injures et les intimidations les plus odieuses, malgré la calomnie, reste encore et toujours debout, vient-on me demander. D’où puise-t-elle cette force qui la fait se relever quand elle parait à terre ? Discutant avec Catherine Quéré, députée de Charente-Maritime puis avec Sophie Bouchet-Petersen, à l’écart de l’agitation d’Encan, nous sentons qu’en effet quelque chose se passe à La Rochelle…

Samedi, 20H. C’est dans un restaurant proche du port que Philippe Moine, élu parisien, fidèle de Ségolène, a donné rendez-vous aux militants de l’Espoir à Gauche. Dominique Bertinotti et Jean-Louis Bianco accueillent les participants. L’ambiance est là encore fraternelle, les militants heureux d’être réunis et la salle bondée. Les derniers arrivés sont même contraints de suivre les débats dans les escaliers. Dominique, Philippe et Jean-Louis prennent le temps d’échanger avec les militants. Il faut rassurer, expliquer, tracer les perspectives. Déboussolés par l’épisode de Dijon qui avait vu l’explosion du courant, beaucoup sont en attente d’informations. L’échange est animé, passionnant et tout le monde prend conscience de l’immensité du travail qu’il reste à accomplir, notamment à l’approche des primaires.

Dimanche, 16h. Dans la voiture-bar du TGV qui fonce vers Paris, nous buvons un dernier verre avec Dominique Bertinotti et Philippe Moine. Nous tirons le bilan de cette université d'été et commentons le discours prononcé par Martine Aubry le matin même. Comme souvent lorsque des socialistes se retrouvent, nous imaginons les divers scénarios possibles pour 2012. Sera-t-elle candidate ? Je n'en sais rien. La décision lui appartient. Il faudra respecter son choix, qui n’est pas simple. Nous savons le sacrifice qu’exige une campagne. Le don de soi, l’engagement sans limites, les coups qui redoublent, la famille qu’il faut préserver, les susceptibilités qu’il faut soigner. Mais quoi qu’il arrive, nous quittons La Rochelle avec la ferme conviction que quelque chose s’est passé.

Non, mieux : que quelque chose s’est levé…qui ne s’arrêtera pas. Ca vous rappelle quelque chose ?

Amine EL KHATMI
Secrétaire fédéral du PS Allier