04 mars 2009

" Petite leçon d’histoire sur la désignation des listes européennes "

Après le calamiteux Congrès de Reims, où notre parti avait plus brillé par les manœuvres d’appareil que par le débat d’idées, on pouvait croire que le PS avait touché le fond. Celles et ceux qui, pendant 24 heures, ont assisté à la composition des listes pour les Européennes savent qu’il n’en était rien.

Il suffit pour cela de relater les faits !

On comprendra alors que la représentation des territoires, l’implantation locale des candidats ou leur capacité à représenter dignement le PS au Parlement européen n’ont pas été les premiers critères pris en compte.

On a plutôt assisté à des petits arrangements entre "amis" obtenus après des heures de palabres et d’affrontements dont ont raisonné les couloirs de Solferino. Qu’on en juge !

Le bureau exécutif chargé d’examiner le texte du projet européen du PS et la liste des candidats était convoqué à 17h.

A 17h, seuls les membres de "base" du bureau sont au rendez-vous. A 17h30, on leur annonce que la commission électorale n’a pas terminé ses travaux. Pendant ce temps, cette dernière discute. Mais surtout, ça négocie dur dans les différents bureaux !

18h30, toujours pas de bureau national. Aux esseulés qui commencent à s’impatienter, on annonce que le bureau national n’aura lieu qu’à 21h. Une demi-heure après, on leur dit que, finalement, ce sera plutôt 21h30.

Les plus accrochés restent sur place (au cas où !). Les permanents compatissants viennent alors leur proposer un petit buffet. Les plus confirmés dans la Solferinologie ont, quant à eux, déjà gagné les restaurants alentours. A 22h, ils reviennent, prêts à affronter la nuit.

Le BN commence enfin… mais par une déclaration : il n’y a toujours pas d’accord, la commission va se réunir à nouveau. Une heure après, toujours rien. Avant que les derniers cafés ne ferment, les isolés du bureau exécutif vont par petits groupes prendre un verre Bd St-Germain. Retour trois quarts d’heure après. Il est presque minuit : les listes ne sont toujours pas constituées.

Vers 1h15 : la direction décide, "qu’en attendant", on va discuter du texte du Projet pour l’Europe.

Le projet est alors distribué aux membres du BN qui, pour la plupart, le découvrent. Un coup d’œil sur le texte donc, et le débat s’engage !

Il tournera essentiellement autour d’une trouvaille sémantique forte qui, au dire des différents dirigeants de courant, a permis de faire l’accord sur le texte entre ceux qui sont pour une politique protectionniste et ceux qui pensent que l’Union Européenne doit fonctionner comme un marché unifié.

Cette trouvaille sémantique se résume en une formule : "une politique de juste échange". Pour ceux qui se demanderaient en quoi consiste exactement une "politique de juste échange", l’explication vient immédiatement après : "la politique de juste échange", c’est "une politique européenne commerciale ajustée".

Certes, certes ! Qui pourrait dire le contraire ? Si la politique commerciale européenne est "ajustée" l’échange ne peut être que "juste". Et si l’échange est "juste", la politique commerciale européenne est forcément "ajustée". CQFD !

C’est ce qu’en grammaire on appelle une tautologie, ou plus simplement, une redondance et qui repose sur l’affirmation, non sur l’analyse.

Interviennent alors les débats de fond sur ce sujet fondamental. Cela nous mène jusqu’à 2h du matin ! Heure à laquelle un émissaire de la commission nationale entrouvre la porte de la salle François Mitterrand pour nous annoncer qu’on en est à la discussion "sur les fins de listes".

Les plus impatients se disent que, cette fois, on en a bientôt fini. On recommence un petit morceau de débat pour meubler… Pourtant à 2h30, le même émissaire nous informe qu’on s’est bien mis d’accord "sur les fins de listes", mais qu’il n’y a par contre, pas d’accord "sur les débuts de liste". D’ailleurs, il ne pourra pas y en avoir dans l’immédiat puisqu’un des principaux protagonistes est parti… se coucher !!!

2h45, la première secrétaire prend une décision forte, à défaut d’être définitive. Elle déclare que le Bureau National est reporté au lendemain 9h. Une heure avant le début du Conseil national afin d’examiner les propositions que la commission électorale aura pu élaborer dans la nuit. A l’abri de tout regard !

Tout le monde au lit !

Le lendemain, 10h : début du Conseil national.

Grande tribune où tous les "courants" sont représentés dans un décorum qui rappelle des temps lointains.

Cette fois-ci, bien sûr, (devant le Conseil national) on va commencer par le "vrai" sujet, celui qui intéresse vraiment les Français : le débat de fond, le projet des socialistes pour l’Europe. Les représentants de courants dûment mandatés viennent donner leur position.

Chaque courant tient à préciser ce qu’il entend par "juste échange" et au fil des interventions, on s’aperçoit que chacun y met exactement ce qu’il veut. Les uns expliquent qu’il faut fermer les frontières pour protéger nos industries, les autres qu’un retour à un protectionnisme malthusien ne ferait que, comme en 1929, donner un tour plus aigu à la crise économique actuelle.

Bref, on comprend bien que personne n’est d’accord sur rien.

Sur rien ? Si, sur ce qui va suivre : la liste où l’on s’est réparti les postes entre "amis" !

Et chacun des représentants d’expliquer : "Mes chers camarades, c’est très dur, évidemment ce n’est pas réellement démocratique, on n’a pas vraiment suivi l’avis des représentants des grandes régions (à qui un mois plus tôt, on était venu demander leur avis), les camarades désignés n’ont aucune attache avec la région où on les envoie…"

Aucune attache ? Les uns y ont peut-être un lointain cousin, les autres qui sait, une maison de campagne… On avoue aux camarades que cette fois-ci en matière de constitutions des listes, on a atteint la limite. Mais on jure que pour les prochaines européennes, on fera ce qu’on avait déjà annoncé lors des précédentes : on changera le mode de désignation, et ce, pour donner plus de pouvoir aux camarades, c’est promis !

Ensuite, comme on s’achemine vers les 13 heures et qu’une conférence de presse est programmée vers 14h, on en appelle au patriotisme de parti pour que les délégués comprennent, qu’ils doivent absolument voter la liste qui sera présentée.

"Vous savez chers camarades, on a eu des difficultés mais vis-à-vis de l’extérieur, il faut défendre le parti."

Langage qui en rappelle un autre. "D’ailleurs, on est pressés ! On accepte de prendre deux ou trois intervenants mais pas plus. Après on vote". Trois militants font entendre leurs doléances. On veut bien les écouter pourvu que leurs interventions soient courtes. Les autres, résignés, commencent à quitter la salle.

On passe au vote. Les cartons se lèvent même si les mines s’allongent. On ne fait pas appel pour rien aux intérêts supérieurs du parti.

14h30 : conférence de presse.

Une rapide photo des têtes de listes pour les journaux devant la tribune.

Allez, camarades, retournez chez vous porter la bonne parole ! Les militants socialistes rentrent donc sur leurs terres.

Conclusion : Petit conte philosophique inspiré de Voltaire.

"Certains voulaient pourtant encore comprendre.
Ils avaient ouïe dire que "dans un café qui bordait le Palais de la Mutualité se tenait un très fameux Derviche qui passait pour le meilleur connaisseur du parti". Un de ces militants qui se plaisait à parler de tout, et que ses camarades appelaient pour cela Pangloss, lui dit :
- "Maître, nous venons vous prier de nous dire pourquoi une aussi étrange liste a été constituée ?
- De quoi te mêles-tu, dit le Derviche. Est-ce là ton affaire ?
- Mais, Maître, lui dit l’autre qui s’appelait Candide, il y a dans cette liste horriblement de mal.
- Qu’importe, dit le Derviche, qu’il y ait du mal ou bien. Quand sa Hautesse envoie un vaisseau en Égypte, s’embarrasse-t-elle, si les souris qui sont dans le vaisseau sont à leur aise ou non ?
- Que faut-il faire alors ? reprit Pangloss.
- Te taire, dit le Derviche !
- Je me flattais, dit pourtant Pangloss de raisonner avec vous des effets et des causes de cette meilleure des listes possibles".
Il n’eut pas le temps de finir car à ces mots le Derviche leur ferma la porte au nez. Les deux amis rentrèrent chez eux plein de bonnes résolutions.

- "Militons sans nous poser de questions, dit l’un d’entre eux. C’est le seul moyen de rendre la vie supportable".

Et toute la petite section à laquelle ils appartenaient décida de continuer à cultiver son pré carré.

Pourtant, de temps à autres, Pangloss s’interrogeait.

- "Tous ces évènements sont enchainés dans le meilleur des mondes possibles. Et nous devons donc avoir la meilleure des listes possibles.

- Cela est bien répondait Candide, mais il faut cultiver notre jardin !""

Morale de ce petit conte philosophique : c’est bien ce qu’on nous demande : ne philosophons plus mes chers camarades, cultivons notre jardin. Et ce sera peut-être là, pour nous comme pour Candide, "le plus sûr moyen d’être heureux !"

Gérard Colomb, Maire de Lyon
le 3 mars 2009

1 Commentaires:

At 4/3/09, Anonymous Anonyme a écrit...

Hélas ! Le PS est tout simplement en train de s'enliser mollement dans ce qu'il pensait être un océan et n'est en fait qu'une baïne.

Cela était prévisible, le choix final du congrès de Reims ayant placé ce pauvre parti dans l'illusion qu'il pourrait se refaire une place dans le carré ultra fréquenté et piétiné par Besancenot, Mélenchon, Bové, Cohn-Bendit, les Verts, LO, Buffet, Hue... tout en célébrant la mémoire de Jospin, Strauss-Kahn, Rocard, Delors et j'en passe.

Quel dommage ! Vous avez raison, je retourne à mon jardin
Thucydide

 

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